Les premières oeuvres

avant Cyrano de Bergerac

Edmond et Rosemonde jouant Les Romanesques

Edmond rencontre la jeune poétesse Rosemonde Gérard qui devient sa muse et sa compagne. Une grande complicité les unit. Rosemonde va être un important soutien pour son mari qu'elle va encourager, sûre que son talent sera bientôt reconnu. Les textes de ce paragraphe sont de Michel Forrier, chercheur spécialiste des Rostand.

Une muse nommée Rosemonde

En 1886, alors qu’il rêve de poésie et se désole de ses études de droit, Edmond s’éprend de la poétesse Rosemonde Gérard-Lee.  Âgée de 20 ans, la petite-fille du comte Gérard, maréchal du Roi Louis-Philippe Ier, ne lui est pas étrangère, leur rencontre date de l’époque où il était au collège Stanislas.

Chez Mme Lee, face à un parterre de notabilité les deux poètes, récitent leur vers. Usant de relation, Rosemonde persuade le directeur du Gaulois de publier Le costume du petit Jacques, un conte en prose de son ami inconnu des Parisiens. Edmond est heureux. Plus que ses parents, elle comprend son rêve, a foi en son talent.

De son coté, la jeune femme publie en 1889 Les Pipeaux, un recueil de poésies qui est primé par l'Académie française.

Les premiers pas au théâtre

Au printemps 1888, encouragé par Rosemonde et son demi-frère Henry Lee, Edmond Rostand se lance dans l’aventure théâtrale en composant un vaudeville Le Gant Rouge. En juin, au Théâtre de Cluny à Paris, la pièce entre en répétition.

Le 24 août, jour de la première, Rosemonde est absente, elle est avec sa mère qui suit une cure thermale. Seul Edmond a le trac, il est inquiet de tout, de la pièce, des acteurs, des réactions de la salle. La représentation se déroule dans une salle surchauffée non par la pièce mais par la chaleur estivale. Le lendemain, la critique se montre particulièrement défavorable pour le débutant. Dans le journal Le Temps, après avoir salué l’extrême jeunesse de l’auteur, Francisque Sarcey conclut sa chronique en déclarant « Il ne se trouve pas dans Le Gant Rouge un seul mot spirituel. Pas un trait en quatre actes, cela est fort rare et tout à fait remarquable ». Déçu, il faudra tout l’amour de Rosemonde pour qu’Edmond reprenne courage.

Les Musardises

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En août 1889, alors que Rosemonde et sa mère séjournent à Luchon, elles sont reçues Villa Juliette chez Eugène Rostand, à la plus grande joie d’Edmond.

Rosemonde, qui croit au succès de celui qu’elle souhaite épouser, le pousse à travailler. Il écrit Les Petites vieilles où il évoque des personnages ridicules. La Rose qui parle qui deviendra Les Romanesques. Le Rêve où il imagine un poète amoureux. L’Alceste qui contient en germe l’atmosphère de Cyrano de Bergerac.

 

Elle l’invite également à composer une série de poèmes à partir d’objets, de personnes qu'il a autour de lui. Après les avoir choisi, elle les porte chez Alphonse Lemerre et règle l’impression des exemplaires. Le recueil Les Musardises est mis en vente en fin d’année 1889. Nouvelle déception, l’ouvrage est à peine remarqué par la critique, seul Augustin Filon de la Revue Bleue, fait preuve d'indulgence en encourageant le jeune débutant : « Ce volume n’est pas un bouton, ni une fleur, mais un fruit délicieux ».

Les Romanesques

En 1890, l’année de son mariage, Edmond vient d’obtenir sa licence de droit. Rosemonde, soutenue par son professeur de diction Maurice de Féraudy et par Jules Claretie administrateur de la Comédie-Française, le pousse à présenter sur la scène nationale Les Deux Pierrots, Pierrot qui rit, Pierrot qui pleure, un lever de rideaux en vers. Nouvelle déception, jugée trop courte la pièce est refusée par le comité de lecture. Désemparé, il se rend à Luchon avec son épouse où il reprend confiance.

En 1891, il tente d’adapter à la scène Madame d’Épone, un roman de la comtesse Puliga, mais l’idée est abandonnée en raison d’une crise de mélancolie. Rosemonde qui connaît sa fragilité le rassure. Il remanie La Rose qui Parle qui devient Les Romanesques, une comédie en trois actes en vers. Reçue, l’œuvre est inscrite au répertoire du Théâtre-Française. Cependant il lui faudra patienter deux ans avant de voir interpréter ses vers charmants et gracieux d’inspiration shakespearienne.

La Princesse Lointaine

Le 5 avril 1895, présente sur la scène du Théâtre de la Renaissance La Princesse Lointaine, une pièce en 4 actes en vers, avec Sarah Bernhardt dans le rôle de Mélissinde, fille du roi de Jérusalem. Rostand pense tenir l’?uvre susceptible de le révéler au public.

Le peintre Alphonse Mucha a été chargé de réaliser l'affiche tandis que Gabriel Pierné a écrit la musique de scène. Malgré l’éblouissante distribution, la féerie des décors et les jeux de scène de Sarah Bernhardt, le public, comme la critique, prend le rêve d’amour de Joffroy Rudel, prince de Blaye parti à la recherche de celle qu’il aimait, pour une simple rêverie symbolique.

Après trente représentations La Princesse lointaine quitte l’affiche en raison du départ de Sarah Bernhardt pour une tournée de plusieurs mois. Rostand est désespéré. Il imagine tout abandonner, mais son amie, qui comme Rosemonde croit en son succès, lui dit : « On fera mieux la prochaine fois ».

La Maison des Amants

Après le vague succès de La Princesse Lointaine et malgré l’attribution du Prix Toirac par la Comédie-Française, pour  Les Romanesques, Rostand est inquiet.

 

En septembre 1895, après avoir passé l’été à Luchon, chez ses parents, en compagnie de son épouse et de Maurice et Jean, ses deux enfants, il retrouve Paris où il se désespère sur son devenir. 

Par égard pour son amie Sarah Bernhardt qui lui demande une nouvelle pièce, il accepte et cherche des idées. Soutenu par Rosemonde, il finit par s’asseoir à sa table de travail pour esquisser un projet, La Maison des Amants, une comédie en trois actes en vers. Malheureusement, le mal progresse et malgré les idées qui se bousculent dans sa tête, le projet est abandonné en raison d’une crise de mélancolie qui finit par inquiéter toute sa famille.

La Samaritaine

Le 9 décembre 1896, malgré sa mélancolie, Rostand se montre  particulièrement brillant dans l’hommage qu’il rend lors de la journée Sarah Bernhardt à la Reine de l’attitude et Princesse des gestes.

 

A Luchon, une fresque de l'église lui inspire le thème d'une nouvelle pièce : La Samaritaine, qu'il destine à sa protectrice, Sarah Bernhardt. Tenant compte des divisions qui règnent dans les esprits, le poète donne à son ?uvre un esprit fraternel, tout en lui laissant un aspect divin : « Oui, les grandes amours travaillent pour le ciel ».

 

Écrite en vers, La Samaritaine, évangile en trois tableaux, est représentée le 14 avril 1897, au Théâtre de la Renaissance, avec l’illustre comédienne. Au baisser du rideau, même si l’ensemble n’a pas la perfection qu’il recherche, Rostand comprend que le succès est proche. Le public est ravi, la critique favorable. Cependant, sans crier au scandale, les esprits conservateurs restent réservés face à cette mascarade digne d’Ernest Renan.